Aujourd’hui, des nouvelles importantes nous parviennent du secteur de Koupiansk.
Alors que les pertes russes ont officiellement franchi le seuil inédit du million de soldats, le point de rupture a finalement été atteint, et les soldats ont commencé à retourner leurs fusils contre leurs propres commandants plutôt que de faire face à une mort certaine dans des assauts futiles. Dans une vague croissante de mutineries et de désertions, des soldats russes ont tué leurs officiers, saisi des véhicules et fui loin du front, en direction du territoire russe.

Dans l’un des exemples les plus brutaux du désordre croissant dans les rangs russes, plusieurs soldats près de la localité de Nyjnia Duvanka, dans la région de Louhansk, se sont retournés contre les leurs. En abattant le commandant d’un peloton de la police militaire et deux de ses subordonnés des troupes de barrage, puis en prenant la fuite, ils ont déclenché une opération de recherche frénétique menée par les autorités russes. Les déserteurs ont laissé les corps de leurs camarades gisant sur la route, fuyant pour sauver leur vie du feu ukrainien comme du feu russe.

Cette mutinerie violente ne s’est pas produite dans le vide ; elle est directement liée au carnage désespéré qui se déroule sur le front de Koupiansk, en particulier dans l’entonnoir de Pichtchane. Depuis des mois, les forces russes tentent en vain de percer les défenses ukrainiennes à cet endroit. Les Ukrainiens y ont créé un piège mortel en contrôlant les flancs, exposant tout assaut russe à un feu d’artillerie et de drones venant des deux côtés. Pourtant, les commandants continuent d’envoyer vague après vague d’infanterie dans cet entonnoir, espérant créer une brèche dans les lignes ukrainiennes. Chaque nouvelle vague sait parfaitement comment cela va finir, car presque aucun soldat des groupes précédents n’en est revenu vivant. La nature systématique de ces assauts a été comparée à des exécutions de masse, les soldats étant envoyés non pas pour des objectifs tactiques, mais comme des béliers humains.

Pour aggraver la situation, les troupes russes sont envoyées au combat dans des véhicules de fortune dignes de Mad Max, comme le Gaz-69, un modèle produit pour la première fois en 1952, l’année de la mort de Staline, ou dans des voitures ordinaires vaguement blindées, voire pas du tout. De telles escouades à moto ou véhicules à peine protégés mènent désormais les offensives, pour être aussitôt annihilées par les drones kamikazes ukrainiens avant même d’atteindre la ligne de contact.


Ces mesures désespérées révèlent non seulement la pénurie de matériel, mais aussi un mépris total pour la vie des soldats russes. Les drones de surveillance ukrainiens assurent qu’aucun mouvement n’échappe à la détection, ce qui signifie que la plupart des assauts sont anéantis bien avant de pouvoir engager le combat.


Malgré ce carnage, les désertions au sein de l’armée russe restent étonnamment rares. Cela s’explique par l’extrême brutalité des sanctions infligées à ceux qui refusent de combattre. Les soldats réticents sont soumis à des tortures dignes du Moyen Âge ; certains sont jetés dans des fosses sans nourriture avant d’être contraints de s’affronter jusqu’à la mort pour gagner le droit de survivre un jour de plus. Dans un cas documenté, des soldats ont été attachés derrière des véhicules et traînés dans la boue, tandis que d’autres déserteurs ont été forcés de s’enterrer vivants les uns les autres, à la fois en guise de punition et pour servir d’exemple. Dans la région de Lyman, un soldat russe en train de se rendre a été repéré par des opérateurs de drones russes, qui ont aussitôt appelé un tir d’artillerie sur sa position. Ce genre d’exemple illustre le choix impossible auquel font face de nombreux soldats : se rendre et être tué, ou déserter et être traqué. Pour certains, se retourner contre leurs officiers est la seule échappatoire.

Cette atmosphère toxique a engendré une recrudescence de représailles violentes. Des soldats russes, poussés à bout par la certitude que mourir dans un assaut absurde est leur unique destin s’ils obéissent, choisissent de plus en plus d’éliminer leurs supérieurs – une option plus sûre que d’être repéré en train de tenter de se rendre aux Ukrainiens. Dans le même temps, les commandants eux-mêmes aggravent la situation en qualifiant les soldats actifs de déserteurs pour ne pas avoir à leur verser leur solde, en leur refusant des soins médicaux, et en envoyant au combat des hommes mal équipés. Un récent appel de familles de soldats du 54e régiment de fusiliers motorisés russes a révélé des conditions effroyables : soldats battus, menottés, dépouillés de leurs effets personnels et abandonnés sans évacuation. Les blessés sont forcés de ramper pour rejoindre les lignes arrière, et les morts sont laissés sur place, comme en témoigne une vidéo montrant des corps de soldats russes restés là pendant des mois, recouverts par la neige.

La spirale descendante s’accélère. Les pertes militaires russes viennent de dépasser le million de victimes, entre morts, blessés et capturés. Les pertes en matériel sont tout aussi stupéfiantes, avec 10 000 chars détruits ou endommagés, et plus de 20 000 véhicules blindés de divers types. Faute de blindés, de véhicules modernes ou de soutien digne de ce nom, les commandants misent désormais uniquement sur la force humaine et des attaques frontales suicidaires pour faire progresser leurs lignes, aussi lentement soit-il. Mais plus ils perdent d’hommes, plus le moral se dégrade, et plus les troupes en viennent à considérer leurs propres supérieurs comme l’ennemi, plutôt que les Ukrainiens qu’on les force à combattre.

Dans l’ensemble, ces événements nourrissent un cercle vicieux. L’effondrement de la discipline et les tactiques déshumanisantes des commandants russes mèneront inévitablement à de nouveaux cas où les soldats retourneront leurs armes contre leurs chefs. Pour empêcher cela, les officiers redoublent de cruauté, inventant des châtiments toujours plus barbares. Cette putréfaction interne risque non seulement de compromettre la capacité de la Russie à poursuivre la guerre, mais pourrait à terme saboter son effort de guerre de l’intérieur.

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