Aujourd’hui, les principales évolutions viennent de Moldavie.
Depuis trois décennies, la Russie considérait la Moldavie comme un État tampon captif, maintenant son emprise grâce au gaz bon marché, aux conflits gelés et aux politiciens achetés. En 2025, la Moldavie a finalement défié cette position, tout en démantelant discrètement les derniers leviers russes, tandis que les menaces de Moscou devenaient plus bruyantes mais de plus en plus creuses.

En octobre 2025, le gouvernement moldave a approuvé une nouvelle stratégie militaire pour 2025–2035, désignant explicitement la Russie comme la principale menace pour la sécurité nationale. Ce document, publié sur le site officiel du gouvernement, met en garde contre l’expansion vers l’ouest de Moscou et la possible création d’un corridor terrestre à travers l’Ukraine jusqu’aux frontières moldaves. Pour contrer cette menace, la stratégie impose l’intégration dans l’architecture de défense de l’UE, un réarmement selon les normes de l’OTAN et une coopération étroite avec l’Alliance. Ce tournant marque un pivot militaire et sociétal complet vers l’Occident, renforcé par le rôle croissant de la Roumanie comme garant de sécurité et soutien économique, où les sentiments unionistes atteignent désormais 31 à 44 pour cent dans les sondages.

L’ingérence agressive de la Russie dans les élections parlementaires moldaves de 2025 — financement de la désinformation, achat de voix via des applications comme Taito, mobilisation de relais pro-Kremlin — a révélé le désespoir de Moscou face à l’ancrage occidental de Chisinau. Malgré ces tactiques, le parti pro-européen de la présidente Maia Sandu a remporté une nette victoire avec plus de 50 pour cent des voix, obtenant une majorité parlementaire absolue et reléguant les forces prorusses aux marges, deux autres partis pro-Kremlin n’obtenant que 8 et 6 pour cent. En outre, toute l’opposition n’est pas russophile : l’un des nouveaux partis s’est affirmé comme une voix pro-réunification, prônant une intégration avec la Roumanie comme bouclier face à la menace russe.

En réponse, les médias d’État russes ont explicitement appelé à la « dénazification » de Chisinau, présentant le gouvernement pro-UE de Moldavie comme un régime extrémiste perpétrant un génocide contre les russophones en Transnistrie et en Gagaouzie, reprenant directement les prétextes invoqués pour l’invasion de l’Ukraine en 2022. Cette rhétorique s’est intensifiée alors que la Moldavie réprimait les figures prorusses, notamment la condamnation à sept ans de prison de la dirigeante gagaouze Evghenia Guțul pour fraude liée à des financements du Kremlin, dénoncée par Moscou comme de la répression. Les voix pro-Kremlin ont amplifié les appels à la « libération » de ces régions, présentant les efforts de décommunisation de Maia Sandu — tels que l’érection de monuments aux libérateurs roumains de la Seconde Guerre mondiale — comme une glorification de collaborateurs allemands. En reprenant le schéma utilisé en Ukraine, la Russie prépare un prétexte moral pour des escalades hybrides, voire pire.

De plus, Gazprom a soudainement interrompu toutes les livraisons de gaz naturel à la Moldavie, invoquant une dette contestée de 700 millions de dollars de Moldovagaz, plongeant le pays dans une grave crise énergétique, entre coupures et tarifs en hausse. Cette coupure, survenue alors que la Moldavie se rapprochait de l’UE, a dévasté l’industrie transnistrienne dépendante de l’électricité et laissé Chisinau dépendre des importations roumaines, aggravant un déficit budgétaire de 4 % du PIB et un taux de pauvreté de 33 %.


La manœuvre de Moscou vise à instrumentaliser ces pénuries, en imputant les difficultés aux sanctions occidentales pour attiser le mécontentement public et discréditer les réformes de Sandu, tandis que les voix unionistes en Moldavie réclament un rapprochement accru comme voie de survie face à ce gel orchestré.

Dans un acte de défi audacieux face à l’emprise de Moscou, la Moldavie a mis fin à toutes les importations de gaz russe après la coupure soudaine de Gazprom liée à la dette contestée. Elle diversifie désormais ses approvisionnements en important depuis l’UE et l’Azerbaïdjan, dont la propre rupture avec la Russie sur des accords énergétiques fait de Bakou un allié opportun du type « l’ennemi de mon ennemi ».

Ensuite, Chisinau reprend méthodiquement le contrôle des bastions autonomes hérités de l’ère soviétique. En Gagaouzie, une crise constitutionnelle découlant de mandats expirés et l’emprisonnement de la dirigeante prorusse Evghenia Guțul ont permis une supervision renforcée du centre. Pendant ce temps, l’économie transnistrienne, asphyxiée par le manque de gaz subventionné, vacille vers l’effondrement, ouvrant la voie à des discussions de réintégration inspirées du modèle d’autonomie gagaouze plutôt que du statu quo d’indépendance de facto.

S’y ajoutent l’extradition de l’oligarque fugitif Vladimir Plahotniuc, la fermeture du centre culturel « Maison de la Russie » et l’interdiction de partis pro-Kremlin via des enquêtes anticorruption. L’influence russe s’effondre à mesure que ces actions révèlent l’isolement de la Transnistrie et les fractures de la Gagaouzie, laissant les relais de Moscou seuls et affaiblis, tandis que la voie européenne de Chisinau devient irréversible.


Dans l’ensemble, l’effondrement du contrôle russe sur la Moldavie en 2025 marque la fin discrète mais irréversible de l’empire post-soviétique de Moscou en ex-Bessarabie. En instrumentalisant l’énergie, les élections et les enclaves séparatistes, le Kremlin a surestimé sa main affaiblie et déclenché exactement le résultat qu’il redoutait : un État moldave unifié se tournant résolument vers la Roumanie et l’Occident. Ce qu’il reste de l’influence russe se limite désormais à une enclave transnistrienne en faillite et à quelques milliers de soldats démoralisés que Moscou ne peut plus soutenir, tandis que le sentiment unioniste, autrefois marginal, devient la force politique à la croissance la plus rapide du pays. Trente-trois ans après son indépendance, la Moldavie échappe enfin à l’orbite de Moscou, non par la guerre, mais par l’étranglement lent et méthodique de chaque levier que la Russie possédait autrefois.


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