Aujourd’hui, la plus grande nouvelle vient d’Asie centrale.
Ici, le Kazakhstan a fermé l’une des plus importantes frontières terrestres de la Russie, immobilisant des milliers de camions et révélant à quel point Moscou est devenue dépendante des routes de transit de son voisin. Ce qui a commencé comme une inspection douanière de routine s’est transformé en un effondrement à grande échelle du système logistique russe, avec des pénuries et des pertes qui se propagent déjà dans les usines et les entrepôts.

La fermeture de la frontière a commencé par un renforcement des contrôles kazakhs des camions en provenance de Chine, mais en l’espace de quelques jours, la situation s’est muée en un arrêt complet. Plus de 5 000 véhicules sont désormais bloqués aux points de contrôle, formant des files s’étendant sur des kilomètres.

Drones, composants électroniques, batteries, outils, vêtements et biens de consommation de base sont tous bloqués. Certains camions attendent depuis des semaines, d’autres depuis des mois, et les entreprises russes signalent des pertes de plusieurs millions, les cargaisons se détériorant ou les contrats échouant. Même des chauffeurs kirghizes, totalement dépendants du territoire du Kazakhstan pour accéder à la Russie, se retrouvent bloqués sans aucune voie à suivre.

Les camions à destination d’Astrakhan, d’Orenbourg, de Novossibirsk et des régions de la Volga sont arrêtés par le même goulot d’étranglement, et les douanes kazakhes refusent de laisser passer la cargaison sans un contrôle approfondi, fermant ainsi de fait la frontière. Le Kazakhstan affirme que la raison de cette fermeture est liée aux sanctions secondaires, car depuis deux ans, la chute des échanges officiels entre l’UE et la Russie ainsi qu’entre les États-Unis et la Russie a été presque compensée par une hausse du commerce entre la Russie et le Kazakhstan.


Astana sait que les gouvernements occidentaux peuvent voir ces chiffres et comprendre ce qu’ils impliquent, à savoir que le Kazakhstan est devenu l’un des principaux canaux de la Russie pour l’obtention de marchandises sous sanctions, allant de l’électronique aux composants à double usage. Désormais, les signes avant-coureurs sont trop évidents pour être ignorés, alors que les responsables kazakhs insistent sur le fait que les inspections ne visent moins d’un pour cent des véhicules, tout en mentionnant explicitement les articles à double usage et les cargaisons interdites. Le calendrier a aussi son importance, puisque le ministère kazakh des Finances modernise son système douanier avec l’aide d’USAID, ce qui indique qu’Astana entend se conformer aux sanctions occidentales. Dans ce contexte, autoriser des milliers de camions à entrer sans contrôle en Russie n’est plus un risque que le gouvernement kazakh est prêt à prendre.


Pour la Russie, les conséquences sont sévères, car chaque retard rapproche les usines de la pénurie, la frontière avec le Kazakhstan étant l’une des principales routes d’acheminement des produits chinois vers la Russie, allant des drones et de l’électronique grand public aux machines et pièces de rechange. Les entrepôts se vident, les détaillants ne peuvent pas se réapprovisionner et les producteurs dépendant de composants étrangers font face à des réductions de production. Même les tentatives de la Russie de blâmer ses propres douaniers ne peuvent dissimuler la réalité plus large : le Kremlin ne contrôle pas le flux des marchandises entrant dans sa propre économie.

Moscou a été contrainte de promulguer un décret d’urgence simplifiant les procédures pour les camions kazakhs et kirghizes, prolongeant leur séjour autorisé en Russie et résorbant manuellement les arriérés. Cette intervention a temporairement réduit les délais de deux semaines à quelques jours, mais dès l’arrivée de nouveaux flux de marchandises, les files d’attente sont revenues. Les réparations aux postes-frontières kazakhs, les pics saisonniers de la demande et les nouvelles restrictions sur les importations de voitures ont ajouté au chaos, mais aucun de ces facteurs n’explique l’effondrement aussi clairement que la dimension politique, Astana appliquant les sanctions tout en cherchant encore à commercer avec la Russie à des conditions favorables.

Cette dynamique ne frappe pas seulement la Russie, mais l’ensemble de la région, car le Kirghizistan dépend presque entièrement du transit par le Kazakhstan, et ses transporteurs restent immobilisés depuis plus d’un mois. Le projet de Corridor Sud reliant le Kirghizistan à Astrakhan via l’Ouzbékistan et le Turkménistan est une réponse directe à cette dépendance, et des analystes kazakhs le qualifient déjà de menace géopolitique. Mais pour la Russie, le problème est plus urgent, car elle ne peut pas remplacer rapidement ni à moindre coût la voie passant par le Kazakhstan. Les alternatives via la Mongolie sont limitées, les routes de l’Extrême-Orient sont surchargées, et les ferries de la mer Caspienne ne peuvent pas répondre à la demande industrielle. La fermeture n’est donc pas un simple désagrément, mais un étranglement structurel aux conséquences nationales, exerçant une pression critique sur une économie russe déjà surmenée.

Dans l’ensemble, la fermeture de la frontière par le Kazakhstan met en lumière l’une des vulnérabilités les plus profondes de la Russie : une économie dépendante d’un voisin qu’elle ne peut ni contraindre, ni contrôler, ni contourner. En appliquant des sanctions secondaires, le Kazakhstan a perturbé des chaînes d’approvisionnement sur lesquelles Moscou s’appuie pour faire fonctionner les usines civiles et soutenir une économie tournée vers l’effort de guerre. Les milliers de camions immobilisés ne constituent pas seulement un problème logistique, mais un rappel que les fondements économiques de la Russie peuvent être ébranlés par un partenaire autrefois considéré comme inoffensif.


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